lundi 20 juin 2011

DESENCHANTEES

Sur un thème de réflexion majeure, les chanteuses des années 90, je me posais cette question capitale: comment expliquer la décadence des ces jeunes artistes de variété, un temps si séduisantes et personnelles, en produits avariés de la pop française?




Evidemment Jeanne Mas, idole s'il en fut dès les eighties, s'impose comme paradigme de la chanteuse frappée par le syndrome de la ringardise et de la chute précipitée dans le mauvais goût. Loin de la jeune Antigone punk de " Toute première fois" elle s'est muée d'abord en rockeuse de pacotille puis en techno- pompeuse de discothèque de province, blonde de surcroît, alors que tout son génie consistait dans cette coupe en brosse brune rehaussée par les claviers mélodieux du divin Musumara. S'il ne fallait garder qu'un titre qui fut la quintessence de cette vedette FM, ce serait le dernier de son premier LP "Suspens", une mélodie envoûtante et mélancolique qui sonne le glas d'ailleurs de l'inspiration musicale de la MAS.





De Mas à Patricia Kaas il n'y a qu'un pas, un faux pas sans doute. La mademoiselle maladroite de Forbach, à la jolie voix rauque, un temps emprisonnée dans l'héritage d'une Piaf pseudo-jazz ou bluesy, avait eu le coup de grâce de quelques titres très efficaces avec Goldmann " Il me dit que je suis belle" ou le très réussi "Je voudrais la connaître" où sa voix se calmait enfin un peu pour choisir les murmures et les râles plutôt que les coups de gueule version Johnny au féminin. Hélas depuis quelques années, une équipe de prod s'est mis en tête de faire de la Patricia une nouvelle Dietrich hyper-sophistiquée et mystérieuse, sexy et glamoureuse. Plus erreur que femme fatale, la Kaas est mal à l'aise dans ce rôle artificiel de gloire rétro-chic et son dernier opus Kaabaret est d'un ennui complet. Kaas aurait dû choisir la sincérité et les mélodies dépouillées de femme de son temps, elle est une chanteuse pour femmes de la rue, pas une égérie pour bobos nostalgiques.





Mylène Farmer est elle l'exemple consternant du ressassement régressif pour adolescents tourmentés de 50 ans. Aucune évolution dans ses albums depuis Innamoramento, et encore on accorde à cet opus un ultime crédit pour sa dimension crépusculaire. Son culte du mystère façon Garboland est surtout un rideau de fumée pour cacher le vide de sa conversation dans les interviews. Cette jeune fille irrésistiblement androgyne qui chantonnait "Cendres de lune" sur des synthés étourdissants est devenue une égérie figée dans le botox et le décorum gothico-kistch. Au lieu d'aller vers un minimalisme élégant et un travail sur les textes et l'émotion mélodique, elle est devenue un méga-produit saturant pour public infantiloïde, une sorte de Dorothée pour techno-paradeurs attardés.






Je pourrais évoquer aussi d'autres chanteuses à la dérive dont les voix jadis entêtantes se sont entêtées dans des voies sans issue: la caricature de soi, le souci vain de coller à la nouvelle époque, les mauvais conseils de producteurs sans vision... Axelle Red qui s'est prise un temps pour une Aretha Franklin rousse malgré sa voix de midinette enrouée, Zazie qui répète les mêmes phrasés dans lesquels les limitations de sa voix l'enferment ( je sauve son magnifique "La dolce Vita" chanson spéciale à mon coeur!), Hélène Ségara dont le délicieux" Je vous aime adieu" fut à la fois la phrase inaugurale et le cri de départ du meiller moment d'une carrière, sabordée par les rêves dérisoires d'Orlando de créer sa nouvelle Dalida...



Et d'autres, qu'il vaut mieux ensevelir dans l'oubli... Toutes illustrent cette tragédie propre à l'être humain mais plus spécialement et douloureusement visible, je crains, dans le champ/chant féminin : de ne pas savoir évoluer, de s'engluer dans la répétiton d'un modèle qui sut plaire et fonctionner un jour, de se fixer dans son époque de gloire, de croire pérpétuer la fleur de l'âge et du succès, de miser sur l'adhérence d'une personnalité et d'un style à l'air du temps.
L'air du temps n'est qu'une brise furtive et mouvante qui change de direction et nous étiole, nous disperse,nous pulvérise. A travers le destin éphémère et les déceptions que nous inspirent ces ex-chanteuses florissantes, c'est notre propre déclin et notre propre incapacité à suivre harmonieusement les modulations du temps, à improviser avec la vie, volatile comme une chanson d'été, que nous contemplons.




Le poudrier par Erwinn Blumenfeld

4 commentaires:

Guillaume a dit…

tu n'y vas pas de main morte avec la farmer. un brin provocateur pour les lecteurs fans de "l'ange roux". je souris. merci

From the avenue a dit…

tu n'y vas pas de main morte avec la farmer. un brin provocateur pour les lecteurs fans de "l'ange roux". je souris. merci

Sébastien Paul Lucien a dit…

Oui, c'est un billet d'humeur et d'exaspération! mais j'aides moments plus complaisants avec les idoles vert-de-grisées! merci pour l'ajout du lien de ce blog, j'en ai fait autant pour le vôtre! à suivre. Sebastien

Sébastien Paul Lucien a dit…

Oui, c'est un billet d'humeur et d'exaspération! mais j'aides moments plus complaisants avec les idoles vert-de-grisées! merci pour l'ajout du lien de ce blog, j'en ai fait autant pour le vôtre! à suivre. Sebastien