mercredi 23 février 2011

BLACK SWANN

On ne retiendra que le beau visage et l'interprétation subtile de Nathalie Portman perdue dans un film balourd et tordu. Loin de la rigueur, la grâce et noblesse qui font la magie du ballet, le film patauge dans les marécages de tous les sous-genres possibles: teen-movie, thriller psychologique simpliste, gore et horreur, lesbian chic voire vampire... de quoi râcoler large dans les cours de lycée et chez le grand public qui devant tant d'artifices visuels et de circonvolutions scénaristiques absurdes croira avoir affaire à un chef-d'oeuvre complexe et profond. Pauvre danseuse et pauvre cygne. Il serait humain de l'achever.



lundi 21 février 2011

JEAN COCTEAU ET LE CINEMA


« Je me demande parfois si mon malaise perpétuel ne vient pas d’une incroyable indifférence aux choses de ce monde, si mes œuvres ne sont pas une lutte afin de m’accrocher aux objets qui occupent les autres, si ma bonté n’est pas une effort de chaque minute pour vaincre le manque de contact avec autrui.


Sauf s’il m’arrive d’être le véhicule d’une force inconnue que j’aide gauchement à prendre forme, je ne sais ni lire, ni écrire, ni même penser. Ce vide va jusqu’à l’atroce. Je le meuble comme je peux et comme on chante dans le noir. En outre, ma bêtise de médium affecte un air d’intelligence qui fait prendre mes maladresses pour une malice extrême et ma démarche de somnambule pour une agilité d’acrobate.

Il y a peu de chance que ce malentendu s’éclaire un jour et je pense qu’il me faudra souffrir, après ma mort, d’un malentendu analogue à celui qui m’empêche de vivre.


Plus j’ai de travail manuel, plus j’aime à croire que je participe aux choses terrestres et plus je m’y acharne, comme on s’accroche à une épave. C’est pourquoi j’ai abordé le cinématographe, dont le travail est de chaque minute et m’éloigne du vide où je me perds. »

JEAN COCTEAU
« Entretiens autour du cinématographe »

recueillis par André Fraigneau, Collection Encyclopédie du cinéma, Paris, 1951.

dimanche 20 février 2011

LA VIDA ES SUEÑO


"¿ Qué es la vida? Un frenesí.
¿ Qué es la vida? Una ilusión,
una sombra, una ficción
y el mayor bien es pequeño;
que toda la vida es sueño,
y los sueños sueños son?"

LA VIDA ES SUEÑO
Calderon de la Barca
Teatro San Martin de Buenos-Aires
"Qu'est-ce que la vie? Un délire.
Qu'est donc la vie? Une illusion,
Une ombre, une fiction;
le plus grand bien est peu de chose,
car toute la vie n'est qu'un songe,
et les songes rien que des songes."

dimanche 13 février 2011

400


Nous voici arrivés au 400ème message de ce blog commencé il y a deux ans et demi. Lectures, photographies, voyages, spectacles, humeurs et délires, couleurs de tous horizons et de tous temps... un grand Merci à tous ceux qui viennent y cliquer et à ceux qui s'y attardent un instant.
Je les renvoie à la revue YASSASSIN dont la 4ème édition a la gentillesse de me consacrer une entrevue, un port-folio et de faire sa couverture avec le Egon Schiele déjà vu dans ce blog.

Bonne lecture!


http://issuu.com/yassassin/docs/yassassin_fevrier2011?mode=embed&layout=http://skin.issuu.com/v/light/layout.xml&showFlipBtn=true


(à suivre 400 autres couleurs du temps! OXALA!)

ANNA, SOROR


Récit de jeunesse écrit à 22 ans "Anna, soror" est une perle baroque dans l'oeuvre de Marguerite Yourcenar. Situé dans la Naples et les Flandres de la Renaissance sous domination espagnole, le cadre du récit vibre tour à tour des clairs-obscurs d'un Rembrandt, des éclats somptueux d'un Greco et ou encore des carmins brûlants d'un Caravage.

Construite comme une tragédie aux accents romantiques qui emprunterait les conflits du pur et de l'impur au Lorenzaccio de Musset et l'atmosphère claustrale de La Chartreuse de Parme à Stendhal, l'intrigue repose sur une passion incestueuse entre Miguel et sa soeur Anna.




Sur ce thème majeur de la transgression des lois du sang, Yourcenar propose une variation tout en nuances, des nuances de gris flamands, de fauves pompéïens, de mauves ibériques qui constituent autant de tableaux narratifs craquelés de non-dits et d'éblouissants épanchements de passion. Le style de la jeune Marguerite est déjà imprégné de cette érudition souveraine qu'on lui connaîtra plus tard et de cette virtuosité poétique aussi raffinée que contenue, les deux mises au service de l'émotion et de la réflexion morale, d'une maturité renversante.


Les liens et les folies du sang, le poids de l'histoire et de Dieu, le labyrinthe des passions, les mélancolies et les angoisses drainées par le temps, l'amour, la solitude, le sacrifice, la mort, l'ailleurs... bref tout ce qui fait le matériel primordial et éternel de l'écrivain se trouve condensé dans ce récit. Et tout y flue comme une rivière de sang dans cet organisme littéraire parfaitement élaboré par Yourcenar.


samedi 12 février 2011

DZI CROQUETTES


Après avoir fréquenté Rio de Janeiro pendant dix ans, après avoir fouillé dans tous les tiroirs de la MPB et fouiné chez les disquaires " dos cebos do centro da cidade", je dois avouer que jamais je n'avais entendu parler des Dzi Croquettes!!
Cela est réparé grâce à ce film documentaire qui raconte les boires et déboires de ce groupe musico-théâtral de transformistes qui connut ses belles heures dans les années 70 en pleine dictature militaire et qui triompha à Paris et Londres.



Avec cette bande de danseurs-acteurs-clowns-travestis... c'est toute une ambiance colorée et flamboyante de l'underground carioca qui resurgit. Cette troupe conduite par le grand Lenny Dale, transfuge de Broadway, danseur de génie tombé amoureux du Brésil, a révolutionné la scène du cabaret local en apportant des chorégraphies à la Bob Fosse au samba carioca. Les Dzi Croquettes ont représenté un avant et un après dans l'histoire scènique de ce pays: folie carnavalesque et révolution sexuelle, jeu avec les codes scèniques et les langages corporels, dérision burlesque, goût de la protestation et tout cela à grandes gerbes de paillettes!



Le documentaire a le mérite de croiser des images d'archives avec des témoignages de Liza Minelli, leur marraine, des survivants du groupe ( 5 sur 13, décimés par le sida et des assassinats sordides) et des témoins qui en gardent un souvenir ébloui comme Claudia Raia, Betty Faria, Ney Matogrosso qui depuis son aventure avec son groupe Secos e Molhados en est peut-être le plus grand héritier.

vendredi 11 février 2011

COREAN NARCISSUS


"Je suis si près de toi que je pourrais te boire,
O visage ! ... Ma soif est un esclave nu ...
Jusqu'à ce temps charmant je m'étais inconnu,
Et je ne savais pas me chérir et me joindre !
Mais te voir, cher esclave, obéir à la moindre
Des ombres dans mon cœur se fuyant à regret,
Voir sur mon front l'orage et les feux d'un secret,
Voir, ô merveille, voir ! ma bouche nuancée
Trahir... peindre sur l'onde une fleur de pensée,
Et quels événements étinceler dans l'œil !
J'y trouve un tel trésor d'impuissance et d'orgueil..."

NARCISSE
PAUL VALERY

LES PARADISIAQUES


Il faut suivre Pascal Quignard sur la trace des paradis perdus, des contes oubliés, des étymologies secrètes et épiphaniques. Ses fragments sont autant de tâtonnements à la recherche de l'origine, de l'avant, du jadis. Quête du commencement qui interroge le langage pour y trouver la source impossible, l'image jamais vue car inaccessible, la parole envolée dans le temps.

Extraits, fragments, ruines, lambeaux, scories des jardins d'Eden.

"En nous le premier amour est sans mémoire comme il est sans visage. Ce qui fascine à chaque fois dans l'amour est modelé (odeur, salive, ombre) par ce monde imaginaire, sans visage, prélinguistique, c'est-à-dire non mémorisé, c'est-à-dire irreconnaissable. C'est l'amont paradisiaque. Ruisselants, ils sortent leur tête de l'eau; leur regard est triste; ils crient. C'est la date de leur naissance - mais aucun d'entre nous ne commence à vivre au moment de sa naissance."


"C'est une des plus anciennes définitions de l'amour: un désir qui désire si fort qu'il rêve en son absence un visage. L'attirance est telle qu'elle produit en son absence une épiphanie. L'étreinte ventrale appesantie, entre le père et la mère, crée le fantôme du fils."



"On appelle"portrait craché" la ressemblance entre le visage de l'ensemenceur et la face reproduite de l'ensemencé. [...] Le mâle à l'instant des secousses crachait son portrait dans le ventre de celle dont il baisait le visage."
( ces dernières citations me font immanquablement penser au portraitdu père outragé par le crachat de l'amie de Mlle Vinteuil dans la scène de Montjouvain de la Recherche. Scène fondamentale dans l'oeuvre de Proust et qui fascine exégète et psychanalystes littéraires!)
"La seule façon d'étreindre sa mère est d'habiter la maison où l'on vit." ( son oeuvre?)
"La lecture est l'expérience la plus intime que puisse faire un humain. La littérature consiste tout entière dans le mystère de cette oralité silencieuse."

jeudi 10 février 2011

L'INDIFFERENT


"Puis elle attendit une lettre, en vain. Alors elle lui écrivit qu'il valait mieux être franche, qu'elle avait pu lui laisser croire qu'il lui plaisait, que cela n'était pas vrai, qu'elle préférait ne pas le voir aussi souvent qu'elle le lui avait demandé avec une amabilité imprudente.
Il lui répondit qu'il n'avait en effet jamais cru à plus qu'une amabilité qui était célèbre et dont il n'avait jamais eu l'intention d'abuser au point de venir si souvent l'ennuyer.
Alors elle lui écrivit qu'elle l'aimait, qu'elle n'aimerait jamais que lui. Il lui répondit qu'elle plaisantait.
Elle cessa de lui écrire, mais non point tout d'abord de penser à lui. Cela vint aussi."


L'indifférent

Marcel PROUST

HUPPERT


S'il n'existe qu'une seule Isabelle à mes yeux ( Adjani), il me faut reconnaître, après l'avoir un temps reniée, qu'il n'y a qu'une seule Huppert!
A la faveur de deux films assez récents,( White material, magnifique, Un barrage contre le pacifique, décevant) je redécouvre comment l'apprécier, dans son jeu perpétuellement identique et avec ses mines aux yeux perdus et ses répliques lâchées à contre-coeur. Puisque c'est ainsi qu'il faut l'aimer.
Et toujours bien entourée...