samedi 24 décembre 2011

LA FEMME SELON DEMY


Les héroïnes de Jacques Demy occupent une place à part dans l'imaginaire du cinéma français et un statut original dans la Nouvelle-Vague. Celles-ci sont souvent comme dans la meilleure tradition littéraire occidentale des femmes en perdition, des femmes de la transgression et du sublime, ce qui leur confère une dimension tragique.


Tout a commencé avec Lola, danseuse trop légère amoureuse mal aimée et réduite à la triste vie des cabarets, la Lola qui dans Model Shop s'en ira chercher la vie en Amérique. Femme en râde puis en partance, elle est la figure d'un exil aussi exotique qu'intérieur. Elle s'impose dès la première oeuvre de Demy comme l'incarnation de sa conception de l'art cinématographique en étant cette métaphore de la fuite dans les enchantements et les fictions du coeur, l'invention d'un ailleurs, le rêve hollywoodien et musical.


La Geneviève des Parapluies de Cherbourg est une midinette frappée par le drame de l'Histoire: la guerre d'Algérie s'invite dans sa romance et dévaste son avenir sentimental comme un ouragan dans la boutique de parapluies de sa maman. La toute jeune Deneuve en offrant son visage de madonne blonde, à la fois triste fille-mère et et admirable Pénélope contrainte et déçue, fixe pour toujours un certain idéal féminin à la Demy (ou à la Maxence !). Il suffit d'ailleurs d'écouter la chanson de Maxence pour voir se dérouler la définition de cette femme rêvée, un rêve de femme que l'expérience du réel vient souvent briser.

http://www.youtube.com/watch?v=yTG87X9m8Q0





Les demoiselles de Rochefort quant à elles sont des "artistes" gentiment marginales, à l'étroit dans leur cité trop provinciale, en partance vers les horizons musicaux et pailletés de la capitale et du grand amour. Leur duos de soeurs jumelles introduit du reste le thème du double autrement dit du semblable et de son contraire dans la nature féminine: blonde ou brune, innocente ou fatalement passionnée, la femme chez Demy est souvent plurielle et ambivalente comme sait heureusement l'être l'éternel féminin (on pourrait évoquer l'androgyne Lady Oscar réalisée au Japon). Ces demoiselles en l'occurence, sont des filles sans papa à demi perdues embarquées avec des forains et amis, amants et autres marins... On ne sait pas trop d'ailleurs comment elles tourneront à la fin du film... De quoi enchanter la féministe et libertaire épouse de Demy, la délicieuse Agnès Varda!




Marie Baie des anges est la truqueuse, joueuse, voleuse à la dérive autour des casinos, femme frauduleuse comme l'amour et irrésistible comme l'îvresse du jeu. Fausse blonde, Jeanne Moreau y apporte son aura de femme libre et scandaleuse, à la frontière du crime et de la folie comme toutes les grandes créatures de cinéma que ni Hitchcock ni Almodovar ne renieraient.



La trop jolie Peau d'Âne est la victime expiatoire toute trouvée d'un pouvoir paternel ou politique qui la désire, la contraint à la profanation, la pousse à l'exil, l'humilie puis la ressucite en princesse qu'elle n'a jamais cessé d'être. Le pur et l'impur épousent les contours de l'image féminine, vierge et souillon, objet de désir et source de problèmes, fillette prise au piège de sa beauté à laquelle elle ne peut renoncer qu'en déjouant à coups d'illusions, d'enveloppes et de ruses les assauts de prédateur du monde masculin. (N'est-ce pas du reste le propre de l'art cinématographique que de jouer et ruser avec les formes irisées de l'inépuisable imagerie de nos fantasmes visuels ?)





Dans Une chambre en ville, Dominique Sanda incarne une jeune bourgeoise en rupture de ban, courant dans Le Hâvre, nue sous son manteau de fourrure à la recherche de son amant ouvrier et révolutionnaire... Figure paroxistique de la transgression et de la femme sacrifiée jusque dans la mort (comme l'est un peu l'Eurydice de Parking remake du mythe d'Orphée) elle mourra poignardée par son mari jaloux. Ou ne serait-ce pas plutôt poignardée par le mariage lui-même, dispositif de conflits et de malheur ? car les femmes chez Demy sont toujours mal ou pas mariées, abandonnées et détruites ou dans le meilleur des cas veuves.





Mais si l'on voulait poursuivre cette ébauche de sujet de thèse qui a déjà dû être traité avec beaucoup moins de légèreté qu'ici, il me faudrait parler aussi des mères que certaines de ces charmantes jeunes filles deviennent tôt ou tard. Mères souvent castratrices, ambitieuses, absentes, embourgeoisées et mélancoliques, résultats amers des impossibles équations des rêves de jeunesse jamais vraiment résolus.


Parfois comme avec Delphine Seyrig elles deviennent des fées et essaient de donner des conseils aux demoiselles perdues. Il y aurait beaucoup à dire sur les femmes de Demy, on se contentera simplement ici encore une fois de les admirer.

vendredi 23 décembre 2011

SORGUE IMPRESSIONISTE



Promenade impressionniste au bord de la Sorgue, miroir d'une radieuse matinée d'hiver. C'est le paysage choisi de mon âme, de mon enfance. jamais je ne suis autant chez moi que lorsque je trempe mes racines et penche mes branches dans l'eau froide et verte de ma rivière.










lundi 19 décembre 2011

FINIR EN BEAUTE



Dernière session photographique de l'année, dans la chaleur des sous-bois tropicaux, quelque part entre la Caraïbe et l'Inde, au pays du beau.








Les plus belles photos sur le lien:

samedi 17 décembre 2011

ADEUS CESARIA

Hommage "à la voix très chère qui s'est tue" de Cesaria Evora, expression d'une mélancolie universelle et pourtant si particulière , la sodade de Cabo Verde. Surgie de la mode de la world music à la fin des années 80, Cesaria s'est imposée très vite comme le symbole des cultures musicales oubliées et minoritaires où chacun retrouve une sensibilité et une rêverie qui a ses racines au plus profond de nous.

Au delà d'une folklore tropical d'une Mindelo "gloriosa e decadente, roma criola, carnaval de São Vicente, brasilinho...." qui sait enchanter notre imaginaire occidental en mal d'exotisme, l'art de Cesaria est de susciter en nous cette nostalgie d'un ailleurs et d'un autre temps que la vie moderne cherche à étourdir.



Cesaria chante et voici que surgissent une île brulée et rocailleuse, un petit port, un café atlantico, la nuit lusitane, une chanteuse fatiguée et des musiciens éthyliques. Pas besoin de voyager très loin pour atteindre à cela, la complainte de la morna et les paroles des poètes qui ont écrit pour Evora nous enseignent que le "petit pays" perdu est au fond de nous et que la chanteuse avec trois notes ne fait que le convoquer.



Duo avec Marisa Monte:"E doce morrer no mar"
http://www.youtube.com/watch?v=9NWC1rEPMbE&feature=share

jeudi 8 décembre 2011

ANTHONY AND TAB



Le souvenir du ténébreux et délicieux Anthony Perkins, acteur à l'élégance rare dans le Hollywood tapageur des sixties, me ramène au couple discret qu'il forma avec Tab Hunter. L'alliance du chic angoissé du brun Anthony avec la vitalité éclatante de Tab en fait un des couples les plus intrigants du closet de celluloïd.























Perkins est en outre un excellent chanteur de charme, qu'ont peut écouter ici et en français!
http://www.youtube.com/watch?v=bHbyS4RSSLw





dimanche 4 décembre 2011

ANDRE KERTESZ



L'exposition photographique consacrée à André Kertész au Museo de Bellas-Artes de Santiago de Chile est pour moi l'occasion de découvrir à travers plus de 200 photos exposées, l'oeuvre magnifique de ce grand maître hongrois.


Autodidacte et toujours libre dans sa démarche créatrice, je suis touché de voir combien son activité accompagne son parcours de vie. Cet artiste a su s'attacher à saisir en chemin les visages et les lieux qui composaient son existence et à les éléver à l'universel par sa sensibilité et son acuité visuelle : son frère s'amusant dans la campagne, ses compagnons militaires, ses rencontres avec les villageois hongrois, les gitans, les artistes bohèmes de villes comme Budapest ou Paris. Son séjour en France le conduisit à fréquenter les avant-gardes et les petites gens de la nuit et à former Brassaï, l'autre hongrois génial de la photographie... A New-York sa vision décalée depuis son balcon sur les rues de Manhattan et ses expérimentations avec la couleur rappellent combien il sut être, au-delà d'un expert de la photographie humaniste, un perpétuel amant de la modernité comme le signalaient déjà ses "distorsions" de deux modèles réflétées dans un miroir déformant qui sont un peu "Les demoiselles d'Avignon" de la photographie en noir et blanc.




Certaines des images qui suivent comme "Le nageur sous l'eau", sont des chefs-d'oeuvres confondants de simplicité et de poésie à travers lesquels une vraie leçon de photographie nous est donnée: "Fais ce que tu sens et montre ce que tu aimes".