lundi 27 décembre 2010

LE CHANT D'UN CONDAMNE


Centenaire Genet. On exhume, on ressucite et on ressuce les beaux textes du poète voleur de feu, qui bandent encore. Ecrit pour un trop bel assasin de 20 ans, Maurice Pilorge, "Le condamné à mort" de Jean Genet est une ode racinienne à la gloire d'un criminel trop sexy. Le lyrisme raffiné et la pornographie crapuleuse s'y accouplent en des noces obscènes et funèbres desquelles jaillissent certains des plus beaux vers de la langue française.


(...)Les matins solennels, le rhum, la cigarette...
Les ombres du tabac, du bagne et des marins
Visitent ma cellule où me roule et m'étreint
Le spectre d'un tueur à la lourde braguette.

La chanson qui traverse un monde ténébreux
C'est le cri d'un marlou porté par la musique.
C'est le chant d'un pendu raidi comme une trique.
C'est l'appel enchanté d'un voleur amoureux. (...)



L'érotisme de la marginalité trouve dans la gorge de Jeanne MOREAU, profondeur et volupté grâce à son expérience de grandes maquerelle de la tragédie. Daho, qui n'a jamais été si mis à nu et retourné que par la langue de Genet, trouve sa note rose et sombre et donne enfin tout ce qu'il avait su si bien retenir. Les arrangements musicaux sont impeccables, austères, âpres et mystérieux comme les murmures rasant les murs des cellules. Le poème de Genet y resplendit, y explose: les hautes notes poétiques qu'il atteint nous subjuguent. Il s'impose à la fois comme un hymne à la liberté et à l'amour, mais aussi à travers son éloge de l'éros carcelaire à un cri contre toute forme de répression et contre la peine de mort.

samedi 25 décembre 2010

THE MARILYN PAPERS


"Only parts of us will ever

touch parts of others-

one's own truth is just

that really - one's own truth.

We can only share the

part that is within another's knowing acceptable

so one

is for the most part alone

As it means to be in

evidently in nature - at best perhaps it could make

our understanding seek

another loneliness out."


***

"Seuls quelques fragments de nous

toucheront un jour des fragments d'autrui-

la vérité de quelqu'un n'est

en réalité que ça - la vérité de quelqu'un.

On peut seulement partager

le fragment acceptable pour le savoir de l'autre

ainsi on est

presque toujours seul.

Comme c'est aussi le cas

de toute évidence dans la nature - au mieux peut-être

notre entendement pourrait-il découvrir

la solitude d'un autre."



jeudi 23 décembre 2010

THE ASPERN PAPERS



Cette longue nouvelle de Henry James est une sorte d'énigme littéraire construite comme un jeu de miroir vénitien. Un critique se rend incognito chez une vieille dame américaine vivant avec sa nièce dans un palais de la cité des Doges où elle tiendrait cachées des lettres d'amour d'un poète illustre du siècle passé, Jeffrey Aspern. Comment mettre la main sur ces hypothétiques reliques et accéder aux mystères d'un créateur disparu?
Henry James s'est inspiré d'une anecdote semblable qu'on lui avait rapportée sur des lettres de Byron détenue par la nièce d'une ancienne pasison du poète, laquelle était disposée à les livrer à Shelley en l'échange d'une promesse de mariage.




Toute l'intrigue joue sur une psychologie de désir et frustration qui est au coeur de la chose littéraire et de l'amour. Dans une Venise labyrinthique et mystérieuse comme les cheminements de la création poétique, cette "crapule littéraire" se heurtera au temps, à l'oubli, aux subterfuges et aux négociations douteuses qui entourent ces fameux papiers. Au-delà du suspense narratif qui tient le lecteur dans la même attente angoissée et perverse que le narrateur de trouver les documents tant désirés, Henri James pose des questions passionnantes sur l'oeuvre littéraire, les conditions de sa production, sa destination, le respect dû à la mémoire des écrivains, les limites de l'investigation critique... autant de problématiques qui le concernent directement en tant qu'auteur.

ASPERN/PAPERS, anagramme troublante pour faire miroiter dans les eaux sombres de Venise tous les fantasmes et jeux d'inversion qui hantent le souvenir des poètes disparus. Afin que les lecteurs que nous sommes s'y fascinent et s'y perdent infiniment...


vendredi 17 décembre 2010

SANTA LUCIA




La Sainte qui porte ses yeux arrachés sur un plateau d'argent pourrait avoir quelque chose "à voir" avec la photographie comme art de l'éblouissement et supplice de l'ombre.
Santa Lucia est aussi le nom d'une colline à Santiago du Chili, où entre fontaines et porches décrêpits, j'ai porté mes regards sur Daniel danseur du Ballet National.

Plus d'images sur le site:


jeudi 16 décembre 2010

QUIGNARD ET ITURBIDE


24h à São Paolo avec pour compagnie dans l'avion le magnifique opus de Pascal Quignard "SORDIDDISSIMES" et sur terre une escale à la Pinacoteca do Estado pour admirer les photographies SUBLIMISSIMES de la mexicaine Graciela Iturbide.

Les deux artistes partagent cette fascination pour l'intime, l'obscur, le rituel et les interrogations sur l'eros et l'effroi à travers les récits et les images.
Si Quignard est obsédé par le vieux monde antique et oriental, la musique sacrée et les peintures archaïques, Iturbide approfondit elle, les mystères d' un Mexique rustique et immémorial nourri par un syncrétisme qui fait côtoyer la "naïveté" de la vie populaire avec le funèbre des rites ancestraux.
Fragments choisis....

"Il y a un dégoût des choses sordides où prolifère l'attrait qui s'y trouvait mêlé."


"Ce que l'amateur d'art ou le voyeur ou le lecteur recherche, c'est le voile. Du moins ce qu'il recherche, c'est l'existence du voile qui le lui indique. C'est, derrière le voile ou le rideau, l'ombre qu'il rêve. C'est l'objet perdu dans l'ombre."



"C'est ce qui se dérobe à la vue qui retient l'attention et mobilise les yeux dans le vide - qui n'est qu'un dérivé du trou."



" Le sacré et le malpropre ne peuvent se distinguer. Comme le sang. Ce qui est prohibé, ce qui est souillé, ce qui se soustrait à la vue, ce qui est mis à l'écart ne se distinguent pas."


" Proust a écrit: "Les objets conservent quelque chose des yeux qui les regardèrent."
Une aura les gagne. Comme des sacra ils ont un rôle dans la ritualisation effective de l'expérience personnelle.[...] Ce qu'a vu le miroir empêche de le jeter."




"Une image qui manque, un invisible, un inobservable, un hors-champ, une marge, un point aveugle, un hors-vue fait l'origine. Ce noir qui est dans l'âme n'est en aucun cas composé de pensées.Il est une paroi sombre dans le rêve."



samedi 11 décembre 2010

NOVECENTO


Un film de BERTOLUCCI d'une grande violence esthétique et thématique. Des visages d'acteurs admirables pour leur beauté et leur talent: Dominique Sanda, Robert de Niro, Gérard Depardieu, Laura Betti, tous dans l'éclat de leur jeunesse. L'enfant au chapeau de grenouilles fraîchement pêchées est une image inoubliable. Le grand style noble du cinéma italien baigne toute cette oeuvre au service d'une histoire pleine de drames, de passion et de conflits. Du grand art.