mercredi 22 septembre 2010

LE SOMMEIL D'ALBERTINE

"J'ai passé de charmants soirs à causer, à jouer avec Albertine mais jamais d'aussi doux que quand je la regardais dormir."



"Ce que j'éprouvais alors c'était un amour devant quelque chose d'aussi pur, d'aussi immatériel, d'aussi mystérieux que si j'avais été devant les créatures inanimées que sont les beautés de la nature. [...] Je m'étais embarqué sur le sommeil d'Albertine. Parfois il me faisait goûter un plaisir moins pur. Je n'avais pour cela besoin de nul mouvement, je faisais pendre ma jambe contre la sienne, comme une rame qu'on laisse traîner et à laquelle on imprime de temps à autre une oscillation légère pareille au battement intermittent de l'aile qu'ont les oiseaux qui dorment en l'air. [...] Je goûtais son sommeil d'un amour désintéressé, apaisant, comme je restais des heures à écouter le déferlement des flots. Peut-être faut-il que des êtres vous fassent beaucoup souffrir pour que dans les heures de rémission ils vous procurent ce même calme apaisant que la nature."
LA PRISIONNIERE
Marcel PROUST

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