dimanche 26 septembre 2010

EL LADO OSCURO DEL CORAZON

Film d'Eliseo Subiela se voulant poétique parce que le protagoniste écrit des vers, avec un esthétisme excessif et des citations récurrentes... L'écriture, la solitude, l'errance, l'amour, la maman, la putain et la mort... on en connaît un rayon.
Intello- curci serait la catégorie critique dans laquelle ranger cette oeuvre.
Malgré tout, j'ai aimé certains passages comme le dialogue avec la mère (une vache qui parle) ou les rencontres avec la Mort qui rappelle Cocteau, sans oublier certaines chansons (Youkali par un trio de sirènes de cabaret) ou quelques vers poètiques de Girondo, Gelman ou Benedetti que les acteurs récitent en boucle. Et Dario Grandinetti comme toujours met le paquet...






samedi 25 septembre 2010

CAMERA LUCIDA


"La photo est belle, le garçon aussi: c’est le studium. Mais le punctum, c’est: il va mourir. Je lis en même temps: cela sera et cela a été; j’observe avec horreur un futur antérieur dont la mort est l’enjeu. En me donnant le passé absolu de la pose ( aoriste ), la photographie me dit la mort au futur. Ce qui me point c’est la découverte de cette équivalence. Devant la photo de ma mère enfant, je me dis: elle va mourir: je frémis, tel le psychotique de Winnicot, d’une catastrophe qui a déjà eu lieu. Que le sujet en soit la mort ou non, toute photographie est cette catastrophe."

LA CHAMBRE CLAIRE, Notes sur la photographie.

Quand Roland Barthes, éminent spécialiste des signes se penche sur la photographie, il produit un ouvrage au croisement de l'essai et du poème en prose qu'on pourrait appeler une méditation critique. Son approche est comme toujours ancrée dans une démarche analytique très théorisante dont je trouve parfois qu'il pose en démiurge trop autoritaire les concepts, les tenants et aboutissants, sans chercher vraiment à les justifier. Tel un prêtre, il délivre des oracles en latin ou grec, formules séduisantes aux résonnances énigmatiques et toujours très pertinentes, et voilà la vérité soyeuse et captivante de ses théorèmes tendue sur le lecteur comme une toile hors de laquelle point de salut intellectuel ne nous sera accordé.


Ce qu'il y a de magnifique et d'irritant ( mais tout génie est fatalement irritant !) dans l'argumentation barthésienne, c'est justement qu'elle est inexistante et que sa science procède par des effets de persuasion spéculative et stylistique: on adhère ou on est exclu. Tout a déjà été élucidé par le maître et les notions et affirmations qu'il nous révèlent, en s'épargnant, à coups de formules persuasives comme des flèches, toute démonstration logique, sont les fragments d'un discours d'éminence grise qu'il nous faut recueillir et honorer pieusement. J'ai parfois envie de résister avec mapetite logique réactive, aux charmes de la Pythie. Et je n'aime pas qu'Orphée théorise non plus.

A côté de cette manie sentencieuse, il appuie sa réflexion sur un fonds d'empirisme hyper-personnel, tirant de l'expérience la plus intime (le deuil de sa mère et la consultation des photographies la représentant) des conclusions définitives sur l'essence de la photographie. Cette dernière méthode qui est celle du poète et parfois de l'autobiographe, me semble encore la plus intéressante et la moins douteuse intellectuellement. Elle vaut au moins par la sincérité et le caractère universel auquel le je lyrique peut parfois prétendre. Personne ne discutera l'authencité de son expérience individuelle, elle vaut pour ce qu'elle vaut. Qui l'aime la suive.

Je préfère ce Roland qui se lamente au Barthes qui pontifie.


Mais c'est le mélange de toutes ces opérations qui me dérange. Le "scientifique" péremptoire, le styliste brillant qui fait mouche à chaque coup, l'introspectif psychologisant, l'anthropologue penché avec une moue dédaigneuse sur un album réducteur et subjectif de l'histoire photographique... tous ces personnages, aux performances impeccables, constituent l'auteur d'un ouvrage au charme inclassable, souvent cité en réference à tous ceux qui s'intéressent à la photographie. Et pourtant je n'ai jamais lu des lignes par moments aussi peu aimables avec cette pratique. ( on n'ose plus dire "art" après cette lecture!)






En effet je constate cependant à la lecture de La chambre claire, que ce petit livre souvent captivant, est une parfaite entreprise de dénigrement de la photographie tout d'abord dans sa pratique généraliste et populaire mais aussi dans sa dimension plus artistique à quelques rares exceptions. A titre d'exemple, je relève quelques citations, parmi les dizaines qui en finissent avec les prétentions de la pratique photographique courante.

"Elle pointe du doigt un certain vis-à-vis et ne peut sortir de ce pur langage déïctique."
"La Photographie a été et est encore tourmentée par le fantôme de la peinture."
"La sémiologie de la photographie est donc limitée aux performances admirables de quelques portraitistes."
"La photo est littéralement une émanation du référent."
"Toute photographie est un certificat de présence."
"Elle exclut toute purification, toute catharsis."
"Je ne puis transformer la photo qu'en déchêt: le tiroir ou la corbeille."
"Telle est la photo: elle ne sait dire que ce qu'elle donne à voir."

Ces constats sont clairs. Contrairement à la toile peinte ou au texte littéraire (qui voudrait opposer, comparer, hiérarchiser ici?) qui transfigurent le réel et en extraient une interprétation, transmettent une essence, la photographie selon Barthes, vu comme simple procédé chimique et mécanique, n'est que la reproduction sur papier périssable d'un objet réel qui a été saisi à un moment donné et qui se borne à un effet de ressemblance insatisfaisante dans le meilleur des cas ou à une représentation fallacieuse et funèbre en général.



Le réquisitoire est cruel. On attendrait une plaidoirie pour la photographie élévée au rang d'art sans être une reprise de la rhétorique picturale comme l'auteur le laisse entendre dans sa péroraison.

Cette position transparaît dans tout l'essai. C'est que la perception de Barthes est troublée dès le départ. Ecrit après la mort de sa mère, ce livre semble être un acte de dépit et d'amertume de la part de l'auteur, frustré par l'impossibilité à "retrouver" l'essence de sa mère dans les photos qu'il lui reste d'elle. Photos qu'il scrute avec un regard noyé de larmes qui sont autant de voiles et de "floutages" épistémologiques. Mort, douleur, pitié, fantômes, spectre... ces mots récurrents dans le texte crient le désespoir du fils s'adressant à des photographies familiales impuissantes à le consoler et qui ne lui renvoient qu'un théâtre funèbre, "une souffrance d'amour" source de frustration et de rage. Alors si la photographie ne permet aucune résurrection véritable ( mais quel art le permet-il vraiment?), faut-il pour autant jeter cette technique à la corbeille?



Les révélations de l'auteur sur la photographie comme Théâtre des morts, cérémonial mélancolique ou expérience de la folie.. sont profondes et précieuses à qui veut essayer d'en comprendre les mystères.




"Dire devant telle photo "C'est presque elle!" m'était plus déchirant que de dire devant telle autre: "Ce n'est pas du tout elle!". Le presque : régime atroce de l'amour, mais aussi statut décevant du rêve."



J'aimerais parfois que Barthes ne soit que poète tenté par l'essai, ou romancier à tendance légèrement théorisante. Il est en fait surtout un théoricien à pulsions romanesques, statut qui n'a cessé de se confirmer avec la maturité et qu'il sut assumer par ailleurs. Tout ce que Proust, qu'il adorait, a finalement su être, en se gardant de systématiser doctrinairement les impressions changeantes et les vérités furtives que sa sensibilité et son génie avaient su capter.



mercredi 22 septembre 2010

LE SOMMEIL D'ALBERTINE

"J'ai passé de charmants soirs à causer, à jouer avec Albertine mais jamais d'aussi doux que quand je la regardais dormir."



"Ce que j'éprouvais alors c'était un amour devant quelque chose d'aussi pur, d'aussi immatériel, d'aussi mystérieux que si j'avais été devant les créatures inanimées que sont les beautés de la nature. [...] Je m'étais embarqué sur le sommeil d'Albertine. Parfois il me faisait goûter un plaisir moins pur. Je n'avais pour cela besoin de nul mouvement, je faisais pendre ma jambe contre la sienne, comme une rame qu'on laisse traîner et à laquelle on imprime de temps à autre une oscillation légère pareille au battement intermittent de l'aile qu'ont les oiseaux qui dorment en l'air. [...] Je goûtais son sommeil d'un amour désintéressé, apaisant, comme je restais des heures à écouter le déferlement des flots. Peut-être faut-il que des êtres vous fassent beaucoup souffrir pour que dans les heures de rémission ils vous procurent ce même calme apaisant que la nature."
LA PRISIONNIERE
Marcel PROUST

mardi 21 septembre 2010

LE VOYAGE D'UN MARIN



Aujourd'hui jour du printemps austral et de l'automne français, s'inaugure à Paris la belle une exposition à la galerie Au bonheur du jour spécialisée dans la photographie pour collectionneurs.
http://www.aubonheurdujour.net/default.htm
Grâce à "Danilo", magnifique marin à la Boca, mon travail photographique initié avec régularité depuis deux ans trouve un port d'attache parisien idéal. Un grand merci à tous ceux qui ont collaboré à ce projet. (Daniel Bodnar, Jose luis Castrillo, Nicole Canet).

EXPO MARINS du 22 septembre au 6 novembre 2010
GALERIE AU BONHEUR DU JOUR
11 RUE CHABANAIS
75002 PARIS


lundi 20 septembre 2010

PLAN B


Film argentin de Marco Berger "Plan B" est à sa manière une relecture de " Les liaisons dangereuses" dont seraient exclus les femmes et le luxe ( deux manières fondamentales d'embellir l'existence).

Tourné dans les appartements bohèmes et sur les terrasses ouvertes sur l'horizon des tours d'une Buenos-Aires crépusculaire, ce film narre aussi le crépuscule des machos, leurs incertitudes et atermoiements quant à leur manière de vivre leurs affects et de se confronter aux mutations de leur destin sentimental. Séduire le nouveau fiancé de son ex-petite copine pour briser leur couple et récupérer la donzelle, tel est le plan B du protagoniste. Un plan foireux qui se retourne contre lui. Le fiancé en question est un garçon charmant, trop, et se révèle un super copain dans une relation affective qui va de plus en plus flirter avec un au delà du désir jamais envisagé.


La métamorphose du cynisme en amour est une opération passionnante à décrire. Le réalisateur sait créer une tension nerveuse et érotique incroyable qui traduit et transmet à la perfection les sensations de vertige et les accès de résistance qui secouent l'amoureux en lutte avec ses préjugés. La simplicité et l'émotion du jeu des deux acteurs sont confondantes d'authencité.



Ces deux mecs sont comme les édifices qui se dressent dans les plans intermédiaires avec lesquels le réalisateur ponctue sa narration pleine de retenue: des blocs érigés dans leurs certitudes qui tremblent et frémissent sous un ciel nouveau.


La photographie impeccable de certains plans fixes capte l'intimité virile et la camaraderie ambigüe des corps avec une pudeur encore peu vue au cinéma. Les corps sont tout au bord de la caméra comme au bord d'un abîme: la distance qu'il manque pour le contact est celle de la frontière établie entre les sexes et leur rapports. Tout est frolements, valse d'hésitations, jeux de transgressions chargés de signifiance. "Los flacos" sont révélés comme de petits garçons attardés dans des désirs inavouables et dans le rêve d'une amitié totale, celles où l'on partagerait tous "ses jouets", ou encore le neverland de Peter Pan ou nul n'atterrit jamais. La fragilité des mecs et la répression morale qui la masque et la nie, sont ici mises à nue.


Film intelligent et tendre, magistralement conçu et conduit, traversé d'émotions et de coups de poings au coeur jusqu'à la dernière image, il fait aimer avec enthousiasme le cinéma nuevo, l'Argentine, la vie moderne, l'amour enfin, avec tous ses plans B imaginables et apparamment impossibles.

dimanche 12 septembre 2010

HUIT ET DEMI pour oublier NINE














BRASSAÏ EN EL BELLAS ARTES DE BSAS



Brassaï aux infinis talents...
Photographe de la nuit, collectionneur de graffiti, poète visuel surréaliste, critique de Proust et intime de Picasso...
Son oeuvre photographique multiplie les prouesses techniques et traduit la simplicité de la beauté captée dans ses plus infimes et touchants aspects: l'intérieur d'une fleur, le poudré d'une aile de papillon, la sinuosité rugueuse d'un cactus, les cicatrices des murs, la douceur d'une peau fardée dans le miroir d'un bordel, la brume de Paris la nuit... L'ami de Prévert avait aussi ses inventaires en clair-obscur.
Le Musée des Beaux-Arts de Buenos-Aires ( dont je redécouvre la collection prestigieuse, la plus riche d'Amérique du sud probablement, hélas mal mise en valeur) offre une sélection de ses photographies jusqu'à la fin du mois de septembre.
Clichés vus:












mercredi 8 septembre 2010

AMATEUR DE FANTÔMES


"Ces chemins me rappelaient que mon sort était de ne poursuivre que des fantômes, des êtres dont la réalite pour une bonne part était dans mon imagination; il y a des êtres en effet - et ç'avait été dès la jeunesse mon cas- pour qui tout ce qui a une valeur fixe, constatable par d'autres, la fortune, le succès, les hautes situations, ne comptent pas; ce qu'il leur faut, ce sont des fantômes. Ils y sacrifient tout le reste, mettent tout en oeuvre, font tout servir à rencontrer tel fantôme. Mais celui-ci ne tarde pas à s'évanouir, alors on court après tel autre, quitte à revenir ensuite au premier. [...] De fantômes poursuivis, oubliés, recherchés à nouveau, quelquefois pour une seule entrevue et afin de toucher à une vie irréelle laquelle aussitôt s'enfuyait, ces chemins de Balbec en étaient pleins."

Marcel PROUST - Sodome et Gomorrhe. Chap III

jeudi 2 septembre 2010

TERRIBLES ENFANTS


Il faudrait un jour réfléchir en profondeur à l'importance du thème de l'amour-monstre dans l'oeuvre de Jean Cocteau.
La Bête aime une Belle qui finit par aimer sa monstruosité devenue belle...
Une mère castratrice et dévoratrice se suicide parce que son fils est aussi son mari ( La machine infernale) ou parce qu'il lui préfère une plus jeune qui a couché avec son père dans "Les parents terribles"...
Orphée est victime d'un amour interdit pour la Princesse, sa propre mort qui se sacrifie pour lui...
La jeune Antigone aime mieux le cadavre de son frère que le vivant Hémon...
Et Les enfants terribles mettant en scène un frère et une soeur incapables de sortir de leur chambre, de leurs lits rapprochés et de leur "jeu"... puisque c'est ainsi que l'inceste est indirectement nommé dans le roman de Cocteau et les dialogues qu'il a signés pour le film de Jean-Pierre Melville.
Paul et Elizabeth y ont le visage de Edouard Dermit, " fils" adoptif de Cocteau, et de Nicole Stéphane ( famille Rotschild). Une fratrie inséparable car soudée par une passion morbide et mortifère.
Sous l'étoile de Cocteau tout amour semble interdit, immoral, scandaleux, monstrueux.... Mais quel est cet amour dont le poète pourtant d'ordinaire si volubile n'ose jamais dire le nom?