jeudi 29 avril 2010

LA VOIX DE ROLAND


Quelques extraits de "Le grain de la voix" recueil d'entrevues accordées par Roland Barthes à divers journalistes sur les grandes questions qui traversent sa recherche.

"L'écriture permet de se désencombrer de l'imaginaire qui est une force très immobilisante, assez mortelle, assez funèbre, et de se mettre dans un processus de communication avec les autres, même si cette communication est complexe."

"Le romanesque est un mode de discours qui n'est pas structuré selon une histoire, un mode de narration, d'investissement, d'intérêt au réel quotidien, aux personnes, à tout ce qui se passe dans la vie."


"Il faut bien durer un peu plus que sa voix; il faut bien par la comédie de l'écriture, s'inscrire quelque part."


"La vraie paresse ce serait arriver à ne plus dire je."


"La perversion, tout simplement, rend heureux."


Tout simplement...

mercredi 28 avril 2010

SIMPLY RED SHOES



Un début de semaine rouge comme le récital magnifique de Simply red à Luna Park et le film "Les chaussons rouges" absolument suranné et délicieux. La voix si soul music de Mick et la danse frénétique de Vicky.


Covent Garden, Opera Garnier, Monte Carlo, une paire de chaussons rouges endiablés, une rouquine un peu tarte qui prèfere mourir d'amour que de danser pour la gloire, un musicien égoïste et un Lermontov, style Diaghilev, directeur de ballet très grande dame tyrannique, des décors pompeux et beaucoup de fumée blanche comme dans les rêves de petit rat... j'adore!






"On ne change pas la nature humaine. Il faut faire mieux. Il faut la dédaigner"




"Le temps s'envole, l'amour s'envole, la vie s'envole mais les chaussons rouges jamais fatigués continuent à danser."


mardi 27 avril 2010

UN FILM PRESQUE TROP PARFAIT


SINGLE MAN le film de Tom Ford a beaucoup d'atouts pour me plaire. Une direction impeccable, une photographie très léchée, une histoire qui met en jeu mes topics préférés en littérature et en art: l'amour, la solitude, la mort, la quête d'une rédemption, le désir frustré, la littérature... Julianne Moore y rajoute sa présence solaire et Ford sa griffe experte pour le choix de chaque détail. Un peu de Visconti pour la regie, d'Almodovar pour la fluidité du montage, une musique à la Philip Glass... il a vraiment tout pour plaire ce film.


Pourtant quelque chose en moi résiste au charme et l'émotion a eu du mal à prendre. Etait-ce dû aux perturbations provoquées par les bruits irritants des mangeurs de pop-corn au cours de la première demi-heure? Je ne peux pas me rendre disponible à un film sur le deuil si le voisinage rivalise d'indiscrétion et de vulgarité, ce qui est depuis quelques années monnaie courante dans les lieux de spectacles. Un grain de maïs peut-il suffire à enrayer la belle machinerie du celluloïd fordien?




Un grain... voilà peut-être ce qui manque à ce beau film en général trop bien cousu et repassé à l'amidon. Excès de zèle d'un débutant qui, habitué à éblouir, a voulu contrôler son premier ouvrage cinématographique comme un splendide défilé de mode? Un grain de folie, un grain de beauté un peu irrégulier sur la surface blanche de la perfection, un grain de fantaisie dans le jeu de Colin Firth que je trouve d'une froideur qui va au-delà de son personnage so british.


Parfois, heureusement, le vernis craque et le film devient humain et émouvant: une danse avec la meilleure amie ivre, une larme qui coule, un bain de minuit, une cigarette qu'on allume... Ces petits moments plus lâchés, plus décousus semblent surtout des contre-points destinés à faire briller la somptuosité, un peu trop "superbe" de l'ensemble. Ce parti pris esthétisant je le comprends et je l'apprécie à sa juste valeur. Mais quand on me parle de deuil, de suicide, de désir perdu, de tentation écartée... j'attends mieux qu'un costume irréprochable et qu'un intérieur design.


Les rares fois où le film s'écarte de cette ligne d'élégance à tout prix, on sent qu'enfin Ford fait du cinéma et n'est pas en train d'exposer ce qu'il estime être l'excellence de son bon-goût et la finesse guindée de la dictature du chic dont il fut l'emblème.
Finalement ce qui manque à mon goût à Tom Ford, c'est une sensualité méditerranéenne faite de sang et de "carne tremula" dont un Luchino ou un Pedro bien latinos savent enrober leurs figurines. La passion contenue et refroidie dans une stylisation inerte est une passion qui n'existe pas, qui n'est pas visible et celà est fatal sur un écran de cinéma. Seules les preuves de passion existent etc... Question de goût en art et dans la vie.


Mais quand même, je cesse de faire l'ingrat et de bouder mon plaisir. Le film vaut le déplacement et mérite le respect. D'ailleurs, il se déplace en moi depuis sa projection, cherchant sa juste place, il tâtonne, il trottine, il trébuche un peu sur mon sens critique, mais se relève et repart à grandes enjambées pour me conquérir avec la self-confidence des grands Ford models évoluant sur la passerelle!


BANDE-ANNONCE : http://www.youtube.com/watch?v=-tCxRO67gyk

samedi 24 avril 2010

ECLATS DE CHOCOLAT


"Chocolate" est le titre du dernier album de Maria João et Mario Laginha, le duo portugais d'une musique lusophone aux forts accents de jazz et de worl music. A l'occasion d'un concert à la Trastienda de Buenos-Aires on a pu voir et entendre ce qui fait le caractère unique d'un performance live quand on a affaire à deux grands musiciens qui savent donner à leur interprétation le supplément d'âme attendu par le public.

Liés par une complicité intacte après de longues années de vie de couple puis de concerts, le pianiste et la chanteuse jouent avec une alchimie totale, supendus dans un état de grâce dont le video-clip suivant où on les voit voler au dessus du Tage peut donner une idée:
http://www.youtube.com/watch?v=KAggWL7WuGo
Cette interprétation de "Beatriz" de Chico Buarque est d'ailleurs un des grands moments du récital.


Jamais je n'avais vu une chanteuse déployer à ce niveau de virtuosité toute la gamme des possibilités vocales qui habitent son corps. Elle sait tirer de ses cordes vocales, mais aussi de sa gorge, sa poitrine, son ventre,ses mains... des sons inouis! Vocalises, soupirs, onomatopées, cris, râles qui se tissent et se superposent en un hallucinant exercice de scat.

Petite démostration captivante ici avec le maître Bobby Mac Ferrin:
http://www.youtube.com/watch?v=4boy-eXQBHg&feature=related

Standards de jazz revisités deeply and softly, fados déconstruits pour n'en garder que la plainte savamment modulée, succès de bossa nova sussurés et caressants, chants dialectiques du Mozambique originel qui deviennent des joutes vocales avec elle-même et les voix de vieillard ou de fillette qui la hantent... Maria João est une boîte de Pandore musicale de laquelle débordent toutes les musiques .

Billie, Ella, Blossom, Amalia, Elis, Björk descendent par moments pour chevaucher son corps aux contorsions étranges alors que le piano prodigieux de Laginha accompagne la transe.
De ce chocolat lusophone via le Bresil, la louisiane et l'Afrique, je garderai longtemps la saveur et les effets euphorisants. Maria João, qui attendait depuis des années son tour ( de chant), est entrée définitivement hier soir au panthéon personnel des voix féminines auxquelles je voue un culte pasionné.

mercredi 21 avril 2010

JE NE VOUS AIME PAS


Françoise Hardy avait annoncé à la fin des années 90 que "Le danger" serait son dernier album. Fort heureusement on a eu droit aux magnifiques "Clair-obscur" et à "Tant de choses", suivis de "Parenthèses", inévitable collection de duos plus ou moins réussis.
Nous voici en 2010 avec "La pluie sans parapluie" qui réunit dit-on autour de la grande Françoise la jeune garde des chanteurs-compositeurs comme La grande Sophie, Ben Christopher ou Calogéro, mais qui conserve surtout la griffe Hardy/Lubrano qu'on reconnaît facilement depuis 15 ans et dont on ne se plaint pas.
Côté paroles, Françoise Hardy a signé des textes assez discrets sur le plan poétique, on sent que beaucoup se sont coulés dans des mélodies écrites pour elle et du coup, à part quelques jolis vers, je trouve que c'est parfois un peu en pointillé et elliptique. On sent que les mots sont au service de l'accord et de la voix, toujours incroyablement veloutée et murmureuse. Je ne me plains pas!

Je finis par écouter le disque en boucle et par être séduit par la fluidité qui en émane, la transparence et les nuances savamment arrangées. Le charme fonctionne. Le titre écrit par Calogéro "Noir sur blanc" est entêtant et enlevé, du Hardy du temps des tubes comme "VIP "ou "La sieste".

Mention spéciale à "Je ne vous aime pas", hommage direct à Danielle Darrieux dans "Madame de" de Ophüls dont je parlais il y a peu sur ce blog. Cette phrase est dite par le personnage féminin à son amant, dans les bras duquel elle succombe, "Je ne vous aime pas" comme un cri de résistance inutile alors que l'amour la submerge... un peu comme ce que je fais avec Françoise ici!

dimanche 18 avril 2010

SONGE MUSICAL D'UNE NUIT D'AUTOMNE



Un festival en automne, à ciel ouvert, sous des nuages grisonnants où percent quelques étoiles.
Sur scène, une succession de musiques du monde, comme on les appelle encore, toutes mettant en valeur l'authenticité des instruments, des voix, des sentiments. Musiques des peuples, poésies des plus grands, autour de la méditerranée et au coeur des grands espaces continentaux.
La découverte de la soirée c'est celle de Chango Spasiuk et de son accordéon argentin dont le groupe d'instrumentistes et de percussionistes a offert des variations expertes sur des chamame, zamba et tango populaires. Un artiste qui compte déjà parmi les grands de la musique traditionnelle argentine et que je retrouverais volontiers sur d'autres scènes.
http://www.youtube.com/watch?v=-tlE_MmLfkw


J'étais venu au rendez-vous... pour elle, pour la quatrième fois, pour la mouette portugaise et migratrice, Misia. Elle n'est pas venue qu'en "turist", mais avec sa malette pleine des rues de Lisbonne et de leur imaginaire, et nous a aussi adressé cette fois, quelques cartes postales musicales. Misia chante ses fados sublimes signés Pessoa ou Saramago dans la nuit qui a étendu son châle noir au dessus de nos têtes et la mélancolie coule sur nous comme un baume. En deuxième partie elle s'essaye, comme dans son dernier double album, à interpréter des musiques cousines du fado: le tango, le flamenco, la ranchera, le rock cold ou la chanson française... Dalida, Joy Division ou Chavela Vargas revisités selon la ligne mélodique d'un certain fado... c'est un jeu d'acrobaties un peu risqué et Misia parfois dérape sur ses hauts talons noirs. Mais il faut saluer l'expérimentation et la versatilité de l'exercice auquel peu de chanteuses oseraient se risquer. Quand elle termine son tour de chant par le fado composé par Amalia Rodriguez "Lagrima" Misia retrouve son souffle et son intensité intacts pour faire résonner son chant à minuit.
http://www.youtube.com/watch?v=d1mfcqe2SP4&feature=related



Cette odyssée prend fin avec le triomphe de la star de la soirée pour laquelle le public est venu en masse: Goran Bregovic et son orchestre pour mariage et funérailles! Musique irrésistible, festive, cuivrée et pleine de rythmes slovaques, d'ondulations orientales. Les merveilleuses compositions du Temps des gitans ou de Arizona dream s'impriment si facilement dans les corps et les coeurs qu'on ne peut que succomber. Surtout si on se laisse guider par la voix gitane et le charisme du chanteur-tambour qui vole la vedette à l'élégant Goran en costard blanc de chef de clan.
http://www.youtube.com/watch?v=N7eSyfALB5E&feature=related



Au retour de cette fête sonore, nous nous fourvoyons dans le parc du Rosedal de Palermo à la recherche désespérée d'un taxi et nous tombons sur la ronde interlope et nocturne des automobiles autour d'une armada de travestis surréalistes et almodovariens, armées de sacs à mains, cuissardes et menaçantes mamelles. Au loin résonnent les bis et les ovations pour les musiciens du monde. C'était une nuit d'automne à Buenos-Aires amicale, musicale et quasi bacchanale... en tout cas pas banale!


samedi 17 avril 2010

LES DAMES DE CHEZ MAX...


Définitivement conquis par l'univers et l'esthétique des fictions de Max Ophüls.
Ses héroïnes corrompues et mélancoliques, sa Madame de, celle Sans lendemain et La tendre ennemie... qui dansent La Ronde telles Lola Montes... Voilà de quoi charmer plus d'un cinéphile dont l'oeil louche vraiment vers le rétroviseur.
Regardez-les, n'a-t-on pas envie de les connaître et de les aimer?





dimanche 11 avril 2010

LE ROUGE ET LE NOIR ...et autres teintes.



Que ce soit les couleurs de Stendhal ou celles de Jeanne Mas (sic), le rouge et le noir sont les deux couleurs entre lesquelles oscillent la passion et la mélancolie.
Il suffit d'y plonger un jeune homme pour voir ces teintes se troubler, se mêler, vibrer ensemble dans leurs belles contradictions. Et que la cristallisation fasse le reste!



Plus de nuances sur le lien suivant: http://saintsebastien.blogspot.com/

samedi 10 avril 2010

ZAPOTECA QUEEN



Lila Downs, mexicaine for export, est une artiste emblématique d'une culture musicale populaire mexicaine qu'elle a su savamment cuisinée et assaisonnée de modernité. Surfant sur la vague Frida Kahlo et le revival folklorique latino, elle est une sorte de Manu Chao version autochtone et féminine mais douée d'une musicalité plus aboutie.
Sa voix parfaitement maîtrisée est capable d'une grande versatilité qui la conduit à pouvoir imiter une Yma Sumac, une Chavela Vargas ou encore une Mercedes Sosa quand le public est argentin, comme hier soir au Gran Rex. Public gagné d'avance et de nouveau conquis par un programme éclectique et festif où ne manquent rien de ce qui a rendu l'artiste populaire: les rancheras bien huilées, les boleros doucereux, les canciones graisseuses de cantina mâtinées de rap ou reggaeton/vallenato...
Bon, il faut reconnaître que miss Lila Downs sait occuper une scène avec grâce et énergie, ondulante, chalereuse, généreuse... et que la fiesta mexicana qu'elle concocte à travers les scènes du monde entier fait passer un moment très agréable.

http://www.youtube.com/watch?v=Sv0cvo4JGJo&feature=related


jeudi 8 avril 2010

SO IN LOVE WITH KEIRA


Depuis longtemps je n'avais autant craqué sur un visage d'actrice comme sur celui de Keira Knigthley, que j'ai pu contempler et approfondir tardivement mais intensément grâce aux films de Joe Wright qu'elle illumine de sa présence "Pride and Prejudice" et "Atonement".

Dans le premier adapté de Jane Austen, elle y campe une jeune héroïne aussi romantique qu'ironique, qui évolue dans des paysages naturels dignes des grands peintres anglais du 19ème ou des salons de palaces qui semblent reproduits par Visconti. Depuis Claudia Cardinale dans "Le Guépard"ou Adjani dans "Adèle H", on n'avait jamais retrouvé cette incandescence et cette grâce farouche.










Dans le moins réussi"The edge of love" elle incarne une chanteuse glamoureuse dans le Londres équivoque de la seconde guerre mondiale. La photographie y est parfois trop impeccable, mais Keira s'en sort à merveille...









mardi 6 avril 2010

LE BAISER DE LA MATRICE



Je viens à l'expérience du Baiser de la matrice, ce projet de lecture intégrale et filmée en ligne du roman de Proust "A la recherche du temps perdu". Des gens du monde entier s'inscrivent, reçoivent une page aléatoirement attribuée et s'enregistrent en direct. Chaque page est ainsi mise en voix, répercutant en un écho universel la musique proustienne.
Le site est visible à partir de ce lien:

http://www.lebaiserdelamatrice.fr/

Curieux, je m'inscris et reçois une page au hasard. De quel hasard parle-t-on ici? un message du destin plutôt? une ironie du sort certainement!



Tome 7 Le temps retrouvé.
Monologue de Charlus et commentaire du narrateur. Tant mieux !J'adore lire les grandes tirades charlusiennes, imiter la voix imaginaire que je lui prête à partir des Charlus que j'ai moi-même croisés, et de celui au pire que je suis déjà ou que je risque de devenir...
Pour aller plus à fond dans le grotesque, le monologue porte sur le goût du Baron pour les petits soldats, les petits poilus, qu'il adore et aborde dans la rue...Hum hum!
Puis vient un éloge de la belle virilité du soldat allemand avec des citations dans la langue de Goethe que je ne sais pas prononcer.
Et enfin ce passage sublime sur le dilettantisme littéraire et existentiel qui ne me semble pas tombé au hasard, hélas...

" " Nous nous sommes abîmés dans le dilettantisme."
Ce mot signifiait probablement pour M. de Charlus quelque chose d'analogue à la littérature, car aussitôt, se rappelant sans doute que j'aimais les lettres et avais eu un moment l'intention de m'y adonner, il me tapa sur l'épaule (...) et il me dit comme pour adoucir le reproche : «Oui, nous nous sommes abîmés dans le dilettantisme, nous tous, vous aussi, rappelez-vous, vous pouvez faire comme moi votre mea culpa, nous avons été trop dilettantes

Comble de ridicule au visionnage ma voix est en décalage avec mes lèvres et je me retrouve en différé, dans un discours "intermittent" à grimacer sur l'écran.
Temps perdu?
( non je ne livrerai pas ici le numéro de la vidéo pour me voir dans ce papelon! lol)