lundi 30 novembre 2009

MIL BESOS



En pensant à ce que j'avais vu de plus intéressant en photographie cette année, en termes d'exposition, je constate que s'impose le travail immense, en dimensions et en force visuelle de Ruven Afanador. J'ai déjà parlé de cet artiste colombien installé à New-York qui en plus de réaliser de magnifiques ports folios de mode pour les plus grands magazines, est aussi auteur d'une oeuvre personnelle remarquable que l'on peut apprécier dans "Toreros" ou "Sombra".




Théâtralité, fascination pour la peau et les parures, hyper-esthétisme et intensité latine, bref tout pour m'enchanter!




A Buenos-Aires en Mars dernier, j'ai eu la chance de voir " Mil besos" une installation de 50 photos géantes sur les quais de Puerto Madero dans le cadre de la Bienale de Flamenco. Il y déploie dans des noirs et blancs surexposés, tout le folklore baroque et tragique de cet art poussé à son paroxysme. Loin de saisir l'âme flamenca dans son essence et sa simplicité, il exacerbe les éléments visuels comme les robes, les coiffures, les éventails... et traite tout cela avec un sens de la parodie et du grotesque tantôt fellinien, tantôt pasolinien!



Certes les aficionados de flamenco trouveront à redire à cette métamorphose un peu grotesque ou caricaturale, mais Afanador a choisi de célébrer cette danse et ce mode de vie en y posant son regard très personnel et expert comme une loupe. Le résultat est plus afanadoresque que flamenco mais le miroir transformant qu'est la photographie en ressort grandi.


LE MALBONHEUR


"Le contraire du bonheur
C'est le malbonheur
Tu bois un p'tit peu trop
Tu dors un peu moins bien
Tout ça ternit la peau
Un peu plus un peu moins
Quand, semblable à toi-même
Fatigué de ton rôle
Tu renouvelles le thème
En haussant les épaules
Tu t'en vas n'importe où
Aimer n'importe qui
A lui chercher des poux
Tu passerais ta vie
Beaucoup moins de candeur
Mais beaucoup plus d'aigreur
Dans ce film qui s'efface
Mon ombre s'efface

Le contraire du bonheur
C'est le malbonheur "
JEAN GUIDONI

dimanche 29 novembre 2009

VAUDOU



Pour un envoûtement complet, consultez







GARUA




"Garúa...
Solo y triste por la acera
va este corazón transido
con tristeza de tapera...
Sintiendo tu hielo
porque aquella con su olvido
hoy le ha abierto una gotera...
Perdido solo
como un duende que en la sombra
mas la busca y mas la nombra
Garúa..
Tristeza...
¡Hasta el cielo se ha puesto a llorar!"


Letra: Enrique Cadicamo
Música: Aníbal Troilo
Año: 1926

jeudi 26 novembre 2009

RIZ AMER



Ce classique de De Santis est un passionnant mélange de néo-réalisme, de mélodrame canaille et de tragédie pure. Filmé en 1949 dans les rizières où sont envoyées des centaines de femmes "les mondines" pour la récolte, on y voit la peinture sociale et hyper-réaliste de la misère et l'exploitation dans cette Italie ruinée de l'après-guerre. Installées dans une caserne, les ouvrières agricoles y déploient une énergie, un sens de la lutte, de la solidarité et de l'effort qui donnent au film une toile de fond politique très puissante. Les chants traditionnels improvisés dans les rizières selon les circonstances et les états d'âme donnent à cette cohorte de femmes la dimension d'un choeur tragique.



Sur le plan de l'intrigue, c'est l'habituel affrontement du bien et du mal,les figures de la perdition et de la rédemption qui se croisent et s'affrontent: un gangster perdu dans les rizières ( magnifique Vittorio Gassman) avec sa complice (Maria Capuzzo) qui revenue de ses erreurs fait pénitence parmi les mondines...



...et une jeune ouvrière qui rêve d'un autre destin et se laisse prendre au piège du voyou ( Silvana Mangano déjà superbe dans son premier rôle) et le brave sergent de la caserne voisine qui joue les justiciers ( Raff Vallone).



A côté de franches séquences de comédie ou d'érotisme facile, ( les plans insistants sur les culs des ouvrières penchées ou les jambes dénudées des mondines!)le film offre aussi de magnifiques moments d'interprétation de la part des actrices et analyse les relations féminines ( désir, rage, passion, amitié, sens du sacrifice...)avec beaucoup de justesse. La scène dans la rizière sous la pluie où une ouvrière fait une fausse couche et se retrouve escortée par les femmes encapuchonnées de sac de riz est fascinante de grandeur tragique et rappelle les oeuvres de Garcia Lorca qui savait donner au réalisme le plus cru une dimension mythique et universelle.

Quelques moments avec Silvana Mangano, dans saj eunesse pulpeuse avant qu'elle ne devienne cette icone aristocratique chez Visconti ou Pasolini.







mercredi 25 novembre 2009

EL INDIO



Un indien dans la ville, débarrassé peu à peu des parures traditionnelles pour faire jaillir de lui le seigneur des flèches.
A retrouver sur le blog photo:

www.saintsebastien.blogspot.com

samedi 21 novembre 2009

ESCRITOS EN EL AIRE


De nouveau le Ballet Contemporain du théâtre San Martin présente un programme de haut niveau choréographique et émotionnel."Escritos en el aire" est une pièce de Oscar Araiz, pionnier de la danse moderne en Argentine et chorégraphe de statut international. "Voces del silencio" signé par le directeur de ballet Maurico Wainrot est un travail plein de sensibilité dédié à la mémoire de Carlos Gallardo, artiste plastique et partenaire de Wainrot, aujourd'hui décédé. La danse comme une ultime et sublime manière de rejouer un pas de deux au delà de la mort...

jeudi 19 novembre 2009

CAFE DE LOS MAESTROS



J'ai attendu longtemps avant de voir le film documentaire des maîtres de la vieja guarda du tango. Ayant eu le privilège immense d'assister à la soirée d'enregistrement au théâtre Colon, je craignais de dégrader un peu le souvenir ébloui de ce spectacle réunissant les grands compositeurs, instrumentistes et interprètes de l'époque d'or du tango ( ceux du moins qui étaient alors encore en vie). On peut compter parmi ces glorieux tangueros Horacio Salgan, Stampone, Leopoldo Federico, Alberto Podesta, Virginia Luque, Mariano Morais, Juan Carlos Godoy...



Mariano Morais et son renversant "Tanguera"

Dirigés par le successfull Gustavo Santaolalla, doublement oscarisé pour ses musiques de "Diario de Motocicletas" ou encore "Brokeback Mountain", son projet courageux et indispensable est une sorte de "Buena Vista social club" du Rio de la Plata. Le film est un peu trop axé sur le travail musical et pas assez à mon goût sur les itinéraires de vie des artistes pour beaucoup tombés en désuétude, non par manque de talent mais simplement parce que notre époque manque de génie ou du moins souffre d'amnésie chronique.
C'est émouvant, ça transpire Buenos-Aires dans chaque image, dans chaque parole... et en voyant défiler les images des rues porteñas, en écoutant les gémissements des violons, du bandonéon lancinant, je me suis curieusement senti intégré à cette ville et à sa musique. J'ai compris enfin que c'est dans le tango que la ciudad a conservé toute son âme et qu'il ne faudrait plus que circuler dans cette "pensée triste qui se danse" pour connaître les vrais tours et détours labyrinthiques de la capitale argentine.



Virginia Luque

ROMY

L'art de transformer une ravissante enfantine impératrice d'Autriche en une jeune femme chic mal mariée à un play-boy italien et discutant de son improbable divorce dans un admirable jeu de séduction. Romy tout à Visconti qui la filme comme une femme chatte, Marlene post adolescente, un rien Coco Chanel sur les bords, mirage de toutes les femmes aimées par Luchino et particulièrement d'une riche et sublime viennoise qu'il faillit épouser.













PHOTOGRAPHIES EXTRAITES DE "IL LAVORO" DE VISCONTI, SKETCH DE "BOCCACIO 70"

mercredi 18 novembre 2009

LES ANNEES 70!



Tout simplement un joyeux anniversaire à Amanda Lear qui fête aujourd'hui ses 70 années! Qui dit mieux?

mardi 17 novembre 2009

TECHINE PREND LE TRAIN



J'adore les films d'André Téchiné, je m'y sens chez moi et j'y découvre toujours des pièces dont je n'avais pas encore ouvert les portes. J'aime la lumière et les couleurs qu'il use, son art de filmer la jeunesse, la campagne, de capturer les regards et de tirer le meilleur de ses acteurs, confirmés ou débutants. Ses films vont au plus près de la vie, de ses pulsations, de ses émotions profondes ou furtives. Des visages filmés comme des paysages, des paysages captés à fleur de peau, des dialogues impudiques et qui atteignent leur cible parce qu'ils s'inscrivent dans la tradition du réalisme poétique, soucieux de saisir la modernité et d'en extraire de la beauté, voilà le cinéma que j'aime.



C'est encore bien le cas de son dernier ouvrage, LA FILLE DU RER, magnifique analyse "en surface" des troubles et désarrois de la jeune Jeanne de France. A travers les aventures sentimentales d'une adorable patineuse, la charmante Emilie Dequenne, Techiné réussit à parler de passion, mort, racisme, honte, sacrifice et de la peste sociale. Bref encore de la tragédie grecque, mais avec des couleurs de campagne et banlieue et sur un rythme juvénile et léger.




Un des meilleurs moments du film à mes yeux, consiste en ce dialogue via internet que les deux futurs amants échangent pour se conquérir et s'avouer leur désir. On n'entend rien d'autre que la petite musique du clavier des ordinateurs tandis que se surimpriment sur les visages hypnotisés par le chat avec webcam, les visions de leurs corps qui se dénudent et des mots échangés en langage texto. Cette manière de capturer l'intensité du désir à travers cette technologie nouvelle est magnifiquement retranscrite. L'érotisme, bien que virtuel, y est palpable. Le fantasme envahit l'écran, et c'est donc un grand moment de cinéma.



La question juive quand elle tombe entre les rollers d'une jeune fille d'aujourd'hui, peut revêtir des conséquences qui dépassent celle-ci. Cette post- adolescente qui invente une agression antisémite contre sa personne, règle des conflits d'identité avec elle-même et une socièté qui ne l'intégre pas, elle, la petite fille de militaire français mort pour la patrie.
Ce film profondémént politique, narre aussi une histoire d'amour cruellement perdue et révèle combien de la douleur la plus intime peut surgir un scandale social qui nous dépasse. C'est Oedipe, c'est Antigone, c'est Electre, c'est chacun de nous aussi, avec ses mensonges pour survivre et sa vérité pour respirer enfin.



strong>Un bémol: Deneuve toujours parfaite chez Téchiné est ici affublée de robes, gilets, chemisiers etc... aux combinaisons épouvantables! Il n'est pas nécessaire pour transformer la plus élégante des françaises en veuve et nourrice de banlieue, de la gribouiller de rayures, estampes et carreaux qui la ridiculisent et la font passer pour plus plouc que le personnage ne l'exige. Certes le costume parle du personnage, mais là pour le coup le costume begaie et radote lamentablement! Et nous tairons le choix des papiers peints sur lesquels la belle Catherine essaie de se détacher. La vraie agression du film ne se passe pas dans le RER mais contre le bon goût!



lundi 16 novembre 2009

TRES MUJERES : Suzana, Marikena, Amelita



Trois femmes, trois chanteuses, trois voix de la chanson populaire argentine dans un piano-bar intimiste au coeur de cette Buenos-Aires qui aime à se sentir parfois si parisienne. Or il se trouve que chacune de ces trois femmes non seulement incarne l'essence de la cité portègne qu'elles chantent sur tous les registres mais encore a un lien très fort avec Paris et la France. Villes admirées ou villes d'exil, villes vécues ou rêvées, Buenos-Aires et Paris confondent leurs images dans les anecdoctes et évocations lyriques qui constituent ce tour de chant unique.



Les trois dames déjà réunies dans le même spectacle en la triste année 1973, parlent de l' Argentine d'hier et d'aujourd'hui avec la même amertume et la même rage de vouloir y croire encore. "On ne parle pas de politique" affirment-elles pour ne choquer personne. Mais la conscience politique est dans l'air, dans les silences et dans chaque note. Le public dans la salle a au moins l'âge des chanteuses, et beaucoup des admirateurs attablés ont dû tremper inévitablement dans toutes sortes de sauces idéologiques. Mais ce soir, on se tait et on laisse chanter la mémoire dans les gorges.



Amelita Baltar, muse et compagne de Astor Piazzola, habite toujours avec force et émotion ces grandes chansons de Horacio Ferrer qui sont les siennes parce qu'elle les a créées la première et qu'elle les a balladées aux quatre coins du monde: "Los pasajos perdidos","Balada para un loco", "Renascere"... quel privilège que de sentir ses monuments de poésie traduits dans tant de langues s'élever soudain dans la petite salle obscure de Clasica y Moderna et y dresser des rues, des places, des cieux, des tardecitas que tienen un aire de yo no se que... Avec vivacité et "picardia" elle passe de l'humour familier avec le public à table dont elle picore les assiettes, à devenir tout à coup un grand oiseau nocturne et perdu avec la théâtralité de la tanguera qui la caractérise ( et non sans une certaine folie qui nous laisse piantaos!)



Avec Marikena Monti c'est la cancion porteña cousine de la chanson réaliste française qui fait son apparition avec les fantômes de Brel et de Piaf. Il y a toujours dans quelque coin du monde que ce soit, une chanteuse capable de convoquer les mânes de la Môme et de nous faire sentir la présence de cette "grande voix oraculeuse" selon l'expression de Cocteau. Marikena est celle-là qui en Argentine, en plus d'avoir construit un répertoire personnel très riche, peut faire sentir par la force de son timbre et la justesse de son interprétation, ce que Piaf a été pour ceux qui n'ont pas pu entendre vibrer cette voix dans leur coeur et sur leur peau.



Enfin, le clou de la soirée c'est Suzana Rinaldi qui l'enfonce dans nos coeurs. Magistrale,impériale renversante. Tout de suite on reconnaît la chanteuse exceptionnelle tant sur le plan vocal que celui de la justesse musicale et interprétative. Avec cette touche de souveraineté totale dans le geste et le regard qui est comme le sceau que chaque tango imprime en nous. "Tintas rojas", "El Yuyo verde", "Naranja en flor", ces trois classiques chantés par La tana Rinaldi nous sont restitués avec une maestria qui donne le frisson : trois dragons surgissent de la nuit du tango et nous ouvrent leurs gueules sombres et mélodramatiques.

samedi 14 novembre 2009

NAUFRAGE EN ALASKA



Probablement une de mes dernières descentes aux enfers de la scène électro-pop latine... le show de Fangoria, groupe madrilène de l'underground camp espagnol, conduit par Alaska, la chanteuse pechugona à la voix de travesti.
Curieux de voir ce que recouvrait cette figure culte des premiers films d'Almodovar et de la movida espagnole dont les mélodies aux paroles mélodramatiques et à la rythmique techno transpirent la pop et la dance music européenne, j'ai tenté le voyage...



Avant de voir la Pythie botoxisée, il a fallu "aguantar" les spectres des jeunes noctambules agglutinés dans le Vestibule pendant une bonne heure et me retrouver assis aux premiers rangs mais, horreur! sous les hauts-parleurs où hurlaient les morceaux de rock alternatif qu'une pin-up interlope mixait sur le devant de la scène. Oui, j'avoue au risque de trahir mon âge et mon état de décadence que, tel un Ulysse viellissant, pour résister aux assauts des sirènes, je suis allé jusqu'à me tamponner les oreilles de boulettes de papier kleenex pour ressortir du théâtre avec des tympans quasi intacts!



Dans l'allée à côté de mon fauteuil, un travesti à trois têtes emperruquées, (ou trois travestis avec un seul cerveau) se démenaient pour attirer l'attention sur leurs mouvements frénétiques et non sur ceux des reines madrilènes "las leopardas" chantant des reggaetones sur scène en faisant valoir leurs seins et leurs fesses fraîchement implantés.
Après avoir pu juger du talent des Nancys rubias ( groupe electro-punk-glam- no se mas que! dont le chanteur est une version flamenco latex de Marylin Manson)il me fut enfin permis d'approcher la Perséphone en question, Alaska, juchée sur 20 centilmètres de plateforme shoes et pourtant ABSOLUTAMENTE inaudible et sans autre présence scènique que le geste qui consiste à faire voler sa chevelure avec des coups de têtes qui rappelent les soubresauts de l'Hydre de Lerne ou de la Gorgone.



L'hystérie collectve était à son comble et tous les oiseaux de nuits d'envahir le devant de la scène et de monter sur les accoudoirs de ce joli théâtre Ateneo. J'avoue que le spectacle infernal était davantage dans la salle que sur scène. Je ne croyais pas qu'un public si éclectique soit-il, puisse faire preuve de plus d'histrionisme et d' hystérie que les propres divas de la pop placées sur le plateau.



En fait la pauvre Alaska dont la voix ferait passer Amanda Lear pour la Callas du disco, n'est que la projection du fantasme que chaque spectateur rêve d'incarner: une chanteuse d'outre-tombe mais remodelée par la chirurgie esthétique, les sonorités de computer et la légende underground de l'artifice. Le tout customisé par la Almodovar touch, qui dans chacun de ses films donne à la figure de la chanteuse en général, une place privilégiée dans le panthéon de la sous-culture kitsch.
Je suis parti au bout de la 7ème chanson, comme on sort du 7ème cercle des enfers en retirant mes boules quies de papier avec le sentiment que le royaume souterrain m'avait englouti et recraché comme un noyau d'olive, solitaire et noir sur la banquise.