dimanche 28 juin 2009

THIS MELODY IS EASY TO LOVE



Un dimanche d'hiver, il faut une voix chaude et une mélodie vaporeuse pour s'y glisser dedans comme dans une blanche baignoire. Blanche, chaleureuse, évaporée, la belle Melody Gardot est tout cela à la fois. Blonde comme Bardot, elle caresse comme Julie London et chatouille comme Blossom Dearie, sans parler de son accident de voiture à la Frida Kahlo qui la brisa à l'âge de 19 ans. Sur son lit d'hôpital ( ici commence la légende) la musicothérapie l'arrache à la souffrance et la pianiste jazzy qu'elle ne pouvait plus être, doit se tourner vers une guitare plus folk et bossa-nova.


Les trois albums qu'elle a écrits, composés et arrangés témoignent de ce talent et de cette grâce spéciale que l'on recherche en tout artiste. Raccrochée à la locomotive du label "Nouvelles voix féminines du jazz-lounge" elle rejoint la pléiade des Norah Jones, Diana Krall, Madeleine Peyroux (lesquelles ne m'ont jamais vraiment séduit au-delà d'un titre ou deux). Mais la Mélody, ce matin a quelque chose qui me séduit... Son titre "Our love is easy" est fait pour fondre comme une savonnette au fond du bain ( filons la métaphore!).
ttp://www.youtube.com/watch?v=lLSjZHshqj0&feature=related Et quand elle chante en français "Les étoiles " on se met à rêver à un album francophone complet, où elle reprendrait Moreau ou Bardot en version sweet jazzy... http://www.youtube.com/watch?v=SthisoeSjBM&feature=related

Voilà c'était pour partager un plaisir régressif et solitaire du dimanche matin, quand on a même pas de baignoire pour s'y engloutir un petit peu.




vendredi 26 juin 2009

DERNIERES ILLUMINATIONS



Le semestre "photo -retrato-chico-graphique" touche à sa fin et je boucle la boucle avec cevisage venu d'Odessa en Ukraine, en qui je crus voir les réminiscences de Tadzio, Rudolf, ou Artur, puisque c'est ainsi qu'il se nomme. Puisque c'est ainsi qu'il faut le voir...




à poursuivre sur le lien http://www.saintsebastien.blogspot.com/

DANSE AVEC LES MORTS



Celui qui fut mondialement connu pour une danse macabre de vidéo-clip a rejoint le panthéon des étoiles mortes. Si artistiquement son décès remonte à une quinzaine d'années, l'annonce de la disparition de Michael Jackson résonne pour tous les ex-fans des années 8O comme l'extinction d'une part de leur jeunesse. J'avais 12 ans à l'époque de Thriller et Jackson fut ma première et dernière idole pop, portée par l'achat de ma première stéréo, l'émergence de MTV et des revues people pour ados avec leur avalanche de posters ! Comment ne pas tomber fasciné par le sens musical et le style de ce danseur exceptionnel? Comment ne pas se laisser séduire à la puberté par ce Peter Pan maître de toutes les transgressions, raciales, sexuelles, prince des métamorphoses entre le divin, l'animal et l'humanoïde?


Michael comme son talent était hors-normes, jusqu'à l'énorme,au delà du ridicule et du pathétique mêlés. On oubliera ses excès, son mauvais goût de roi nègre pour le clinquant et la mégalomanie, ses dérapages idéologiques, ses commissions avec les délits les plus sordides (absoutes mais avérées), pour ne retenir de sa légende que quelques images de magie, génie et de grâce, noyés dans la plus abyssale solitude.
L'existence de ce petit garçon noir exploité par son père, devenu une créature du troisième genre, un être extra-terrestre ravagé par la "transformation-destruction" de soi est un objet d'étude exceptionnel pour tout ceux qui se penchent sur la question noire aux USA, le refoulement de l'homosexualité dans l'industrie du disque, le refus de grandir des enfants stars, ... J'ai toujours été intrigué de voir comment plus il blanchissait sa peau et féminisait son apparence au point de devenir le clone de Diana Ross puis de Liz Taylor, plus le jackson afro-américain et viril resurgissait dans ses cris tribaux, ses rugissements de panthère ou loups-garous, ses coups de pelvis et saisissement de bourses bien machos... Cette créature hybride, féline et robotique, transgenre et primitive, est une des plus belles réussites -inconscientes(?) de l'archange /démon Michael et va bien au delà de sa musique pop. Plus qu'un chanteur et entertainer super doué, Jackson était un phénomène artistique d'avant-garde, un 'happening" humain en métamorphose permanente, propulsé dans un processus d'automutilation via les scintillements de l'image médiatique.
Je retiendrai de lui entre mille choses :
-le petit génie des jackson five chantant "I want you back"




-l'adolescent chrysalide d'"Off the Wall" chantant "Rock with you" en combinaison de strass




- l'épiphanie de soi de "Billie Jean" où il devient enfin le fantôme charmant laissant des traces de lumière et non de compromission sexuelle avec la groupie ( tout un résumé de son profil érotique)





le clip :http://www.youtube.com/watch?v=_fHoDWc22B0&feature=related
la performance inouie pour les 25 ans de la Motown:
http://www.youtube.com/watch?v=o7mEQVWQgRA&feature=related

-dans les années du déclin le clip magnifique réalisé par le génial photographe californien Herb Ritts "In the closet" avec Naomie Campbell








Enfin une performance de danseur, celle de "Dangerous" où il donne la pleine mesure de son apport à la danse " from street to stage"

http://www.youtube.com/watch?v=cC1TTz2bMmM

Et quelques photos d'une beauté métisse et androgyne qui constitue à mes yeux un des multiples canons de ma conception du beau. (Au stade 1 ou 2 de la future catastrophe chirurgicale! Michael avait trouvé son visage avant de le sacrifier à sa psychopathologie)










lundi 15 juin 2009

"L'OBJET DE TON AMOUR N'EXISTE PAS"




" QUOD PETIS, EST NUSQUAM" ainsi s'exprime Ovide à propos du mythe de Narcisse dans "Les métamorphoses". C'est Julia Kristeva, sémiologue, critique littéraire et psychanalyste des âmes et des auteurs, qui me ramène à ce thème passionnant du narcissisme dans son essai "Histoires d'amours". Evoquant le mythe dans le cadre d'une réflexion sur l'idéalisation du Moi et du Moi dans l'autre idéalisé, elle démontre combien le complexe narcissique est fondateur de notre vision occidentale de l'amour, et donc de l'échec de l'amour, "le vertige d'un amour sans autre objet qu'un mirage". Je livre ici des morceaux choisis de cette lecture qui peut-être inspirera certains à se pencher sur l'eau miroitante de leurs passions! ( attention : tendance critique- psychanalysante totale!)




"L'objet de Narcisse est l'espace psychique; c'est la représentation elle-même, le fantasme."


"La solitude tragique et mortifère de Narcisse est devenue [...] une apologie du seul à seul."

"Laissé à lui-même, sans le secours de la projection sur l'autre, le Moi se prend soi-même pour cible privilégiée d'angoisse et de mise à mort."

"Le nouveau monde est hainamoureux. Ceux qui le regardent en face ne sont ni croyants, ni idolâtres, ni adeptes, ni fidèles, ni déçus. Seul à seul, narcisse se sait indépassable, mais sans se frapper, il bâtit des amours provisoires, arachnéennes, limpides. S'il traverse des passions ou des crépuscules, il n'est ni dramatico-romantique, ni fébrilement pornographe, ni malheureusement déçu."







Et sans jamais oublier le mélancolique!

"L'attitude désabusée du bel esprit (mélancolique) est sans doute une forme atténuée de ce mal qui démystifie sagesse, beauté, style et éros. Incapable de maintenir longuement une forme ou un objet de désir, le mélancolique les abîme aussitôt que posés, et se dissout lui-même dans cette griserie sans maintien."

"Insolubles, dramatiques jusqu'au moment même de l'extinction du drame, nos amours ne nous laissent que la solution dite perverse : passer de l'abject au sublime, goûter à la gamme des peines et des délices, garantie suprême contre l'ennui."






vendredi 12 juin 2009

ARAIGNEE DU SOIR



De Spiderman a la mujer araña de Puig, il n'y a qu'une toile à tisser, celle des fantasmes et de la fantaisie photograhique. Fils de soie ou voile de tulle, transparence ou noirceur, la fascination reste la même pour les créatures troublantes et qui donnent toutes sortes de frissons.


Dans un studio de Buenos-Aires, il est plaisant de prendre à un piège de lumière, la veuve noire ou la femme à barbe, l'homme bourdon ou l'androgyne des noces funèbres et de les confondre tous à la fois en une seule personne.


Pour les arachnophiles et autres voyeurs, plus d'images sur le lien suivant







dimanche 7 juin 2009

TROUBLE DANS LE GENRE, LITTERAIRE...


Deux récits courts mais à grande résonnance, issus du 19ème siècle, m'amènent à réfléchir à la fois sur leur thématique (l'identité sexuelle et la confusion du masculin et du féminin) mais aussi sur leur forme, au croisement ambigu de l'autobiographie et de ce que l'on nomme depuis trente ans seulement "l'autofiction".

Je veux parler de "Herculine Barbin dite Alexia B" récit testamentaire d'un hermaphrodite qui s'est ignoré durant vingt et un ans. Maintenu(e) dans l'ignorance de sa réalité corporelle par une mère aussi dévote que son siècle, notre personnage bien réel raconte dans un récit poignant à la première personne, sa vie de jeune fille romantique , passant du couvent au pensionnat pour demoiselles, puis son service en tant qu'institutrice et surveillante de dortoir. C'est là que tombé(e) passionément amoureux(se) de sa collègue, se jouera la révélation d'une sexualité hybride et la découverte d'un plaisir doublement interdit et délicieux. De violentes douleurs génitales qu'un médecin identifiera comme un cas d'hermaphrodisme imparfait, reconduiront Alexia-Camille à l'état civil qui aurait dû être le sien : sexe masculin. A partir de là les choses se compliquent: rappelé(e) à un mode de vie d'homme dont il/elle ignore tous les codes, son existence deviendra un vrai calvaire, fait du renoncement à sa profession, du sacrifice de sa passion pour sa tendre collègue, et de la fuite vers une capitale parisienne qui ne digèrera pas ce nouveau corps étranger. Après une triste errance, ce destin brisé se soldera par un suicide, à 25 ans. Le récit qui nous est livré, rédigé dans un style romantique flamboyant et sombre comme un roman de Benjamin Constant ou Sand, a été constitué, soi-disant, à partir des documents épars qui jonchaient le sol de la chambre de la pauvre victime , asphyxiée.



Ce texte a le génie de construire son intrigue sur la lente découverte d'un secret physique ignoré, puis peu à peu "dévoilé" par le dépositaire lui-même, le narrateur. On ne peut rêver mieux comme suspense interne au corps du récit et au coeur de la narration. Dramatiquement puissante, l'oeuvre est marquée par ce vague des passions caractéristique de l'âme romantique. Cette Alexia est l' héroïne sur-romantique par excellence: extrême dans ses passions, emportée par ses affects, idéaliste et mystique, abandonnée et martyrisée par la socièté, elle meurt comme un Lorenzaccio ou un Chatterton, dans un désarroi proche d'une Adèle H, en quête de son identité et d'une réconciliation impossible avec elle-même et le monde.




L'ouvrage est présenté trop succintement par Michel Foucault et les dossiers médicaux rédigés par les médecins légistes valent vraiment le détour. Je crois avoir vu il y a longtemps (1995) un film à la télé, "Mystère Alexia" réalisé par René Féret qui est directement inspiré de cette euvre et que je serai ravi de revoir.



En lisant les malheurs de cette Alexia, je me suis souvenu d'un autre récit d'intérêt et de nature comparables "La confession d'un inverti né" lu il y a deux ans sous la neige de Prague.
Il s'agit de la confession d'un certain jeune italien analysant et narrant avec une verve polissonne sa condition d'inverti, comme on disait à l'époque, dans une longue lettre adressée ni plus ni moins qu'à Zola. Le rédacteur de cette lettre, fils de grande famille surcultivée, grand lecteur du père du naturalisme, avait estimé que les études romanesques du grand maître n'accordaient pas de place, sauf avec Maxime dans La curée, à" la race délicate et vicieuse" (sic) des invertis. Voilà pourquoi il se chargeait de documenter Zola, comme un insecte non répertorié écrirait à un entomologue, sur le pourquoi et le comment de ses préferences sexuelles et de son mode de vie en général, celui d'un dandy raffiné et férocement érotomane. Le récit est si enlevé, si pénétrant, si lucide et minutieux dans l'analyse de soi, quelques années avant papa Freud, qu'il donne lieu à des pages sensationnelles, tant par la force des éléments narratifs que par le style! Et je ne dis rien des passages les plus chauds, où l'inverti révèle s'être fort bien diverti et avoir bien converti..
Zola d'ailleurs a jugé le livre trop brûlant pour pouvoir seulement oser le considérer comme un ouvrage littéraire et l'a expédié illico entre les mains gantées des aliénistes de l'époque ( Charcot) par lesquels il nous est arrivé. C'est qu'il s'agissait là d'un ovni littéraire trop précocement tombé dans la boîte à lettres d'un censeur des moeurs sociales, au style démonstratif et aux intentions très moralisatrices. L'inverti italien dut comme Wilde passer par le purgatoire de la répudiation pour finalement avoir droit de lecture et d'admiration. Un jour on tiendra ce petit ouvrage comme ce qui s'est écrit de mieux sur la répression culturelle et la négation des sexualités différentes. Vu l'air du temps, ce n'est pas pour demain...



Enfin ces deux récits qui jettent du trouble dans le genre, ont aussi le mérite de nous prouver que toutes les tergiversations sur les limites entre la fiction romanesque et la vérité autobiographique ne datent pas de la sinistre Angot ou du pauvre père Houellebecq.
Alors que nos contemporains, entichés d'autofiction, érigent les atermoiements de leur existence misérable en matériel pseudo-romanesque, deux anonymes, à la fois témoins anthropologiques et fins stylistes de leur humaine condition, nous révélaient il y a plus d'un siècle, le douloureux bonheur de la mixité des genres.